13 févr. 2011

S'abandonner ou se laisser faire : une infime différence...

Dans la vie, et plus particulièrement dans la rencontre sexuelle, on peut faire l’expérience de deux chemins : d’une part la sensation de se « laisser-faire » qui mène à la perte de soi, d’autre part la sensation de s’abandonner, chemin délicieux de la rencontre avec soi, de l’extase divine et de la liberté.
J’ai longtemps confondu ces deux chemins : je me laissais faire en croyant aller vers la conscience et la liberté puis j’ai progressivement fait l’expérience de l’abandon. Aujourd’hui, grâce en particulier au tantra, la différence entre ces deux chemins m’apparaît plus claire… En réalisant que cette confusion était partagée par nombre de femmes, j’ai eu envie de faire part de mon expérience et de mes réflexions sur ce sujet.
Se laisser faire consiste à accepter des caresses, des gestes ou des situations qui ne nous satisfont pas totalement alors qu’on a la capacité de les refuser. Je ne parle pas des situations où une femme se soumet sous la contrainte mais uniquement de ces moments où elle accepte d’être touchée, regardée, prise, pénétrée d’une manière qui va à l’encontre de son désir profond.
Qu’est-ce qui peut expliquer ce déni de soi-même ? D’abord la méconnaissance de soi-même, la peur de mal faire, la croyance que c’est l’homme qui sait, qui est actif et qui initie, croyance en grande partie héritée de la tradition judéo-chrétienne. Cette croyance s’accompagne d’une peur de frustrer ou de blesser l’homme dans son amour-propre, un désir de lui faire plaisir calqué plus sur des modèles masculins que sur sa propre intuition. La femme reste passive et laisse faire l’homme au lieu de s’appuyer sur sa réceptivité. Cette confusion entre passivité et réceptivité conduit au « laisser-faire ». La réceptivité consiste à accueillir la puissance et le désir de l’homme tout en le guidant vers des espaces plus subtils, plus extatiques. Il s’agit de sortir du rail biologique qui pousse à la pénétration et à l’éjaculation pour jouer et danser ensemble dans les étoiles…
Lorsque la femme n’arrive pas à se faire entendre de l’homme, elle abandonne la partie, et n’est plus présente à la rencontre sensuelle et spirituelle. Son corps réagit de moins en moins, signe que ce qui se passe ne lui convient pas,
mais la plupart du temps, l’homme déstabilisé, interprète son immobilité comme une attente et accentue ses efforts pour tenter de la faire réagir. Il cherche les « boutons » susceptibles de l’exciter, ce qui aura pour effet de la fermer un peu plus…. Le malentendu s’installe menant à un cercle vicieux… Les écueils sont nombreux : la femme commence à simuler désir et plaisir, les partenaires cherchent des stimulants tels que l’alcool, la drogue, la pornographie, etc… La femme se déconnecte de sa connaissance intuitive et profonde de la dimension sensuelle et spirituelle. La rencontre sexuelle devient de plus en plus insatisfaisante pour l’un comme pour l’autre.
A l’inverse et de façon paradoxale, s’abandonner consiste à être complètement présent à soi-même et à l’autre. Ce n’est plus l’homme qui pénètre mais la femme qui accueille l’homme en soi, guidée par son sexe, par sa « grotte sacrée ». Elle ne fait rien de façon mécanique ni mentale mais habite complètement son corps qui guide alors la danse. C’est un relâchement profond dans lequel le mental s’estompe progressivement. C’est une danse qui s’improvise à chaque instant, une musique qui se compose à deux, où chacun exprime et reçoit tour à tour... Le feu du désir est nourri de caresses, de paroles, de regards, de soupirs, de vibrations mais aussi canalisé vers des énergies plus subtiles et extatiques par des silences, de l’immobilité, des respirations… La femme ne se « laisse plus faire » mais accueille et guide l’homme en se mouvant de façon féline et joueuse, tendre et profonde… Elle improvise, change le rythme, se dérobe pour mieux surprendre l’homme et creuser avec lui de nouveaux sillons. Lorsque l’homme accepte d’entrer dans cette danse, la femme s’abandonne de plus en plus profondément à l’extase qui s’écoule dans toutes les parcelles de son corps. Elle se sent fondre, disparaître, s’ouvrir à d’autres espaces de conscience. Emplie par le sexe de l’homme, elle se sent divaguer et mourir de façon délicieuse… Le corps, le cœur et l’espace cosmique sont de la partie. Plus rien n’existe que cette conscience de la dissolution, cette disparition du Moi, l’union sacrée dans laquelle l’homme et la femme ne font plus qu’Un, l’ouverture de conscience vers le Divin, la réceptivité profonde à l’Amour et la joie de l’incarnation. L’homme reçoit alors bien plus qu’une simple jouissance physique, il est invité au banquet céleste !
La clef de de l’abandon, voie merveilleuse pour la femme et pour l’homme, repose dans la capacité de la femme à ressentir et vivre pleinement son désir et son plaisir mais également dans la capacité de l’homme à recevoir de la femme… En quelque sorte à s’abandonner ! Finalement ce passage du laisser-faire à l’abandon concerne-t-il juste les femmes ? :-) A méditer !

Photo : Jean-Michel Dutillie

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